Louise Labé Tant Que Mes Yeux Bleus

Louise Labé, abandonnée par l'anonyme jeune homme qu'elle aimait, confie dans ce sonnet décasyllabique (vers de dix syllabes) l'amertume de sa défaite. Son écriture apparaît ici, comme une sorte de douloureux témoignage, au-devant de la vieillesse et de la mort. « Tant que mes yeux… » Louise Labé, Sonnets XIV, 1555 Tant que mes yeux pourront larmes épandre, A l'heur 1 passé avec toi regretter, Et qu'aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre, Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard 2 luth 3, pour tes grâces chanter, Tant que l'esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors 4 que toi comprendre: Je ne souhaite encore point mourir. Mais quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée, et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel 5 séjour Ne pouvant plus montrer signe d'amante, Prierai la Mort noircir mon plus clair jour. 1: Bonheur / 2: Gracieux / 3: Ancien instrument de musique à cordes / 4: Sauf / 5: Terrestre (des mortels) Voir aussi: « Je vis, je meurs… » de Louise Labé
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Les rimes. Les strophes. La juxtaposition de ces éléments. Et les discordances, et c'est dans ces discordances que "le poème se lève" (j'emprunte l'expression à Daniel Arrasse, qui disait que "le tableau se lève" quand les éléments interprétatifs s'assemblent et font sens. J'ai voulu aller plus loin que ces deux allusions rapide et ai préparé pour les étudiants un document mis en ligne sur la page du cours, que je reproduis ci-dessous. ******************************** Louise Labé, sonnet XIII Tant que mes yeux pourront larmes espandre, A l'heur passé avec toy regretter: Et qu'aus sanglots et soupirs resister Pourra ma voix, et un peu faire entendre: Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignart Lut, pour tes graces chanter: Tant que l'esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toy comprendre: Je ne souhaitte encore point mourir. Mais quand mes yeus je sentiray tarir, Ma voix cassee, et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel sejour Ne pouvant plus montrer signe d'amante: Prirey la Mort noircir mon plus cler jour.

Oh! si j'étais en ce beau sein ravie - Louise Labé Oh! si j'étais en ce beau sein ravie De celui-là pour lequel vais mourant; Si avec lui vive le demeurant De mes courts jours ne m'empêchait envie; Si m'accolant, me disait: Chère Amie, Contentons-nous l'un l'autre, s'assurant Que jà tempête, Euripe, ni courant Ne nous pourra déjoindre en notre vie; Si, de mes bras le tenant accolé, Comme du lierre est l'arbre encercelé, La mort venait, de mon aise envieuse, Lors que souef plus il me baiserait, Et mon esprit sur ses lèvres fuirait, Bien je mourrais, plus que vivante, heureuse. Tant que mes yeux pourront larmes épandre - Louise Labé Tant que mes yeux pourront larmes épandre A l'heur passé avec toi regretter, Et qu'aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre; Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard luth, pour tes grâces chanter; Tant que l'esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre, Je ne souhaite encore point mourir. Mais, quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée, et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d'amante, Prierai la mort noircir mon plus clair jour J'espère que cette sélection de poèmes d'amour vous a plus.

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Ce qui entraîne la création d'un couple de rimes plates et d'un quatrain de rimes alternées: la structure des strophes 4433 est contredite par la structure des rimes 4424. Les vers 9 et 10 apparaissent isolés, mis en valeurs, par la rime (seuls vers de même rimes à voisiner dans une même strophe) à Deux phrases seulement. On s'attendrait à ce que le découpage syntaxique coïncide avec celui des strophes, ce n'est pas le cas. à Le pivot se fait à la strophe 3 entre les vers 9 et 10. Ils étaient déjà mis en valeur par la rime, mais là où la rime les unissait, la syntaxe les sépare par la ponctuation la plus forte de tout le poème. à Le vers 9, particulièrement mis en valeur par la prosodie, l'est d'autant plus qu'il contient la proposition principale de cette première phrase (en gras). Répétitions Rejets et enjambements Et qu 'aus sanglots et soupirs resister Tant que l' esprit se voudra contenter Double système de symétrie. à à l'intérieur du poème: Quatrains: structure par groupes de 2 vers, articulés par « tant que/et que », chacun comportant un des 4 éléments qui reviennent dans les tercets à reprise dans le même ordre de yeux/voix/main/esprit, donc //, mais resserrés à l'extrême sur 3 vers Dans les quatrains, deux rejets de structure identique, qui ont pour conséquence l'exposition en début de vers de la « voix » et du « mignard lut », et parallèlement, en fin de vers, de verbes liés au chant et à l'expression.

Écoutez Maria Casares Tant que mes yeux Tant que mes yeux pourront larmes épandre A l'heur passé avec toi regretter, Et qu'aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre; ——————— Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard luth, pour tes grâces chanter; Tant que l'esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre, ———————— Je ne souhaite encore point mourir. Mais, quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée, et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d'amante, Prierai la mort noircir mon plus clair jour.

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L'autre enjambement, plus long, dans la deuxième partie du sonnet, synchrétise ce que signifiaient le lut et la voix: « montrer signe d'amante » Et maintenant, le sens… Un vers est clairement mis en vedette, encore plus que la pointe (on appelle « pointe » le dernier vers, ou les deux derniers vers d'un sonnet, qui en principe opère un retournement): le vers 9, au centre de tous les jeux formels du sonnet: « Je ne souahite encore point mourir ». Pourquoi l'instance lyrique ne veut-elle pas encore mourir? Parce qu'elle peut encore chanter, au sens large: elle peut créer, elle peut écrire, elle peut créer, fût-ce pour déplorer l'amour perdu. Que dit le sonnet, dans le fond? Tant que je peux chanter (tant que je peux écrire), je ne veux pas mourir. Quand je ne pourrai plus chanter, je mourrai. C'est sur cette dichotomie que repose l'ensemble du poème, et les effets de parallélisme (répétition des termes, mais aussi répétitions à l'intérieur d'une même moitié de poème) viennent renforcer cette opposition du chant au silence, de la vie à la mort, qui est dans le fond absolument banale.

Ce qui l'est moins, c'est la maîtrise du cadre prosodique, qui part des effets de décalage rythmique, et permet de signifier le déséquilibre des deux parties, dans un sens structurel (9 vers vs 5 vers) comme dans un sens symbolique: la vie, et le chant, l'emportent encore. Jusque quand? Mais le fait est que la poétesse écrit: l'instance lyrique prouve, en écrivant, ce que le poème annonce. Et c'est en effet « je ne souhaite encore moins mourir », au centre de tous les jeux structurels, qui s'impose. Je n'ai pas encore abordé la question amoureuse. Que chante la voix, le lut de l'instance lyrique? Ils chantent les regrets de « l'heur passé », ce qui signifie « le bonheur passé » (et non l'heure passé, mais en un sens c'est presque équivalent: le temps du bonheur n'est plus, c'est maintenant le temps des regrets, des larmes et des plaintes). Le chant ici, auquel se lie la vie, n'est pas lié à l'amour triomphant mais au souvenir, au regret et à la plainte. Un signe en est la nature des quatre éléments récurrents: yeux / voix / main-lut / esprit: que chantent la voix et le lut?

August 1, 2024, 8:13 am
Contour Des Yeux Gris