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En septembre 2008, la maison rouge invite l'artiste Christian Boltanski à réaliser une exposition autour du Cœur, installation créée en 2005. Interpellé à l'entrée par une question qui semble s'échapper du mur: Qui êtes-vous? (2008), le visiteur découvre ensuite Le cœur dans la pénombre d'une vaste salle. Une lampe s'allume et s'éteint au son du battement du coeur de l'artiste, qui se diffuse dans l'espace d'exposition en un perpétuel mouvement entre vie et mort. Au fond de cette salle obscure, on découvre une vidéo Entre-temps (2003), où les traits du visage de l'artiste passent en fondu enchaîné, de sa petite enfance à ses 60 ans. Pour cette exposition, Christian Boltanski a souhaité donner un prolongement à son installation, Le cœu r, en proposant de constituer ce qu'il a appelé « les archives du cœur ». Poursuivant son investigation sur la mémoire – « La petite mémoire » et non « la grande mémoire préservée dans les livres », « cette petite mémoire qui forme pour moi notre singularité, […] extrêmement fragile, et [qui] disparaît avec la mort », comme il aime à le rappeler – Boltanski invite chacun des visiteurs de son exposition à enregistrer, dans une cabine prévue à cet effet, les pulsations de son propre cœur et à participer à la constitution des « archives du cœur de Christian Boltanski ».

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C'est dans la pénombre que l'on pénètre dans «Les Archives du cœur» de Christian Boltanski, au son amplifié des battements de son cœur. Les battements, au son fort et sourd, sont diffusés dans l'espace de la salle, un espace infusé d'ombre où clignote la faible lumière d'une ampoule esseulée, scintillant au rythme des pulsations cardiaques. De très nombreux cadres, aux formats différents, sont accrochés au mur. Ces sous-verres, ces miroirs noirs, comme les appelle l'artiste, se donnent à voir comme des photographies, mais elles ne montrent rien, sinon la profondeur de leur surface noire et le reflet sur les vitres de la lumière de l'ampoule et de l'espace environnant. Le portrait est impossible. Pour être, il ne peut que montrer de l'invisible à travers les multiples reflets du monde des apparences. A quelques pas de cette portion d'espace, lui faisant face, sur un écran souple, labile, légèrement en mouvement — un ventilateur posé derrière la surface translucide anime celle-ci de son souffle — l'image du visage de Christian Boltanski se métamorphose avec lenteur.

Entre temps, titre de la vidéo projetée, est un long fondu enchaîné des photographies du visage de l'artiste, prises entre sa petite enfance et ses soixante ans. Ce portrait mouvant s'apparente à une photo d'identité diachronique et le noir et blanc de l'image, son flou si particulier, l'ampoule électrique à la lumière blafarde suspendue dans la pièce sont autant d'éléments qui constituent la signature formelle de l'artiste. En quittant le lieu, le visiteur est invité à faire enregistrer ses propres pulsations cardiaques — qu'il pourra ensuite emporter —, pour qu'elles rejoignent les Archives du cœur que Christian Boltanski constitue sur l'île d'Ejima dans la Mer du Japon. L'œuvre est forte, prenante — on pénètre son vaste espace en écartant, à l'entrée de la salle, un rideau noir. Le rythme sourd et amplifié du flux cardiaque, entre systole et diastole, crée une troublante présence et conduit le spectateur au cœur d'une intimité, celle de l'artiste et celle de l'œuvre, avec force et délicatesse.

July 31, 2024, 11:43 am
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